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Les conflits pétroliers en Amazonie ont été des catalyseurs puissants à plusieurs niveaux. Du point de vue des indigènes qui ont dû, pour y faire face, consolider leurs organes de représentations et leur cohésion sociale; du point de vue des médias nationaux et internationaux qui ont permis la diffusion des informations et la prise de conscience de l'opinion publique; du point de vue des entreprises pétrolières et des Etats qui ont dû modifier leurs stratégies, leurs politiques et surtout leurs discours.
Actuellement, on peut s'apercevoir, et ceci est aussi lié aux catastrophes
pétrolières océaniques, que l'image de ces groupes industriels est devenu
le centre d'une lutte médiatique entre les différents protagonistes,
parallèlement aux conflits localisés en Amazonie.
Pour les communautés indigènes, la titularisation des terres représente
la clé de voûte de leurs revendications: ils ne peuvent s'opposer à
l'exploitation qu'en étant reconnus propriétaires, à titre collectif
ou individuel, de leurs territoires. Les conflits pétroliers ont forcé
les amérindiens à multiplier leurs actions
auprès des instances gouvernementales pour l'obtention de titres de
propriété.
Les U'wa en Colombie, les Shuar, les Huaorani, les Cofan, les Siona-Secoya en Equateur font partie des communautés concernées par ces problèmes avec les pétroliers et chacune met en place des stratégies souvent en collaboration avec des ONG pour faire face à cette menace.
LES HUAORANI
Les Huaorani de l'oriente équatorien, qui sont resté relativement isolés
jusqu'à l'installation d'entreprises pétrolières sur leurs territoires,
ont subi de plein fouet les conséquences de l'exploitation. Une campagne
médiatique internationale a éveillé l'attention de l'opinion publique
sur l'impact
écologique et humain des activités pétrolières. Les ONG à l'origine
de cette campagne constituent un véritable réseau de surveillance (qui
fonctionne actuellement pour la campagne des U'wa contre l'OXY, Occidental
Petroleum Company).
Les premiers a contacter les Huaorani furent les missionnaires de l'Institut Linguistique d'Eté (ILV), d'abord en 1958, puis dans les années 1970 pour établir des missions et, selon Judith Kimerling, pour préparer l'arrivée des sociétés pétrolières. Les activités de l'ILV, sous couvert d'évangélisation, auraient permis de contrôler une partie de la population Huaorani pour faciliter l'implantation pétrolière sur leur territoire.
En 1983, 66.570 hectares ont été légalisés par le gouvernement équatorien
et désignés comme "Protectorado Huaorani", tandis que leur
territoire traditionnel ancestral s'étendait sur plus de deux millions
d'hectares. En 1990, la CONFENIAE a obtenu des titres de propriété pour
les Huaorani sur 612.560 hectares supplémentaires. Judith Kimberling
insiste sur le fait que, et ceci est vrai pour tous les pays amazoniens,
dans la mesure où le sous sol appartient à l'Etat, la détention de titres
de propriété n'est pas suffisante pour empêcher l'exploitation.
Ainsi les Huaorani contactés ne disposant pas de structures fédératives
jusqu'en 1990, c'est à travers la CONAIE
et CONFENIAE
et les organisations environnementales et de défense des droits de l'homme
nationales et internationales que les intérêts de ces populations ont
été défendus.
Parc-national-Yasuni: Le-Territoire-Huaorani
Une demande de moratoire a été déposée pour permettre d'obtenir le consentement
des Huaorani à l'exploitation pétrolière sur leurs terres . En 1990,
l'Organizacion de Nacionalidades Huaorani de la Amazonia Ecuatoriana
(ONHAE) est créée établissant les bases d'un organisme de représentation,
encore limité du fait de sa genèse récente.
Les Huaorani peuvent être divisés en deux groupes: ceux qui sont maintenant
en contact avec les blancs et appartiennent à l'ONHAE- identité
légitimante selon les termes de Manuel Castells- et les autres
qui refusent encore toute communication, réfugiée dans l'intérieur-
identité résistance. Au sein de la même ethnie deux comportements
peuvent ainsi coexister et donner des stratégies opposées, même si les
relations entre les groupes existent certainement, les premiers servant
de tampon aux seconds.
LES SHUAR
Le recours à la justice est un outil pour d'autres groupes indigènes:
c'est devant le tribunal constitutionnel que les Shuar tentent en 1999
d'interdire l'entrée sur leur territoire à la société ARCO Oriente Inc..
En effet, après de multiples assemblées et tentatives, les dirigeants
de la FIPSE (Fédération Indépendante du Peuple Shuar d'Equateur)
avec la collaboration d'une ONG nord-américaine, le CDES (Centre
de Droits Economiques et Sociaux), ont intenté une procédure
judiciaire dite "Accion
de Amparo" contre la société ARCO pour non-respect de
la convention 169 de l'OIT, ratifiée par l'Equateur, et des termes de
la constitution en matière de droits à l'intégrité des populations indigènes,
d'inviolabilité des territoires, de concertation et participation au
processus de développement.
La FIPSE demande que l'ARCO ne tente pas d'entrer en contact avec des
individus ou des communautés sans l'accord de l'assemblée de la fédération,
que l'ARCO ne puisse faire de promotion sans autorisation et que les
fonctionnaires de l'ARCO ne pénètrent pas sur le territoire shuar sans
permission de l'assemblée de la fédération.
Le 8/09/99, le juge du tribunal constitutionnel a rendu son verdict,
donnant raison à la FIPSE
sur les deux premiers points seulement, le troisième nécessitant la
fin du processus de légalisation des terres.
L'association entre fédération indigène et ONG permet, dans de nombreux
cas, surtout en matière juridique, de poursuivre des processus complexes
qui nécessitent des connaissances dans des domaines divers, une mobilisation
à long terme de moyens humains et financiers importants qu'une organisation
indienne seule ne pourrait probablement pas mobiliser.
La défense des intérêts d'un groupe non organisé par une organisation
plus vaste ou par les représentants d'un autre groupe, les Galibi en
Guyane française ou la CONFENIAE en Equateur, montre qu'une solidarité
est possible entre des peuples qui se sont toujours définis par leurs
différences, opposant NOUS et EUX, EUX représentant traditionnellement
les autres peuples amazoniens voisins. L'apprentissage organisationnel
par les échanges avec d'autres organisations mieux structurées tisse
des liens durables qui facilitent l'intercommunication, armature élémentaire
des réseaux.